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Les entretiens

Abdellah Akki

Mâalem, chef de chantier

Chef de chantier sur le projet du Souk dans la province de Tata

Bonjour M. Abdellah, Est-ce que tu peux te présenter ?

 

Je m'appelle Abdellah Aki, de la région d'Errachidia, Tinejdad. Je travaille dans la restauration de bâtiments, et la construction en terre.

 

Vous travaillez avec des matériaux naturels ?

 

Oui, nous travaillons avec des matériaux naturels, à savoir : le bois de palmier, la laurier ("Defla"), la chaux et la terre.

 

Depuis combien de temps tu travailles dans ce domaine ?

 

Qu'est-ce que je peux te dire ... Disons … Disons depuis 2010. 2009, 2008. À peu près. J'ai commencé à travailler là-dedans parce que mon parcours m'y a conduit. En sortant de l'école, je suis allé dans une ville qui s'appelle Figuig. Cette ville de Figuig est connue pour ce travail de la terre, des palmiers, … Ils ont un savoir-faire traditionnel. À l'époque, je travaillais dans une auberge. Je ne connaissais rien encore. Et j'avais une volonté d'apprendre tout cela. Parce que c'est ...Tu auras beau construire en ciment autant que tu veux, il n'y a que le traditionnel qui est pérenne. Ce sont les choses traditionnelles qui ... (durent), dans tous les domaines. C'est du solide. Le ciment va durer 50 ou 60 ans, ensuite, il y aura plein de fissures. Et c'est vrai que ça (le traditionnel) ... Il y a des bâtiments à Figuig qui ont trois siècles, quatre siècles, et qui sont en très bon état. Ils demeurent tels qu'ils ont été construits. Et c'est là qu'a commencé mon voyage dans la construction en terre, et j'ai appris. Puis là-bas j'ai construit cinq auberges. Chacune a duré trois ou quatre ans. Ensuite s'est présentée l'opportunité de cette entreprise. J'ai pris avec eux un chantier de restauration. Il y avait un projet là-bas. J'ai travaillé avec eux. C'est moi qui ai fait le chantier, la restauration du bâtiment. Puis, je suis arrivé ici à Taghjijt. Dans ces chantiers que tu as faits, tu travaillais avec quelle technique ? L'adobe ou le pisé ? Non, dans les chantiers que j'ai faits, ... En fait, Figuig est connue pour l'adobe. Il n'y a pas de pisé. Là-bas ils ont un adobe particulier, qui se tasse à la main. Ils appellent ça "Bellihoudi". Il a une forme triangulaire. Ils le tassent à la main comme ça, sans moule ni rien. C'est avec ces matériaux qu'ils travaillent, eux. Car le pisé ne marche pas là-bas. Il n'y a que l'adobe qui fonctionne. Et la terre, comme on a dit, la chaux et le palmier. C'est avec ça qu'ils travaillent, eux. Quels sont les types de projets que tu fais ? Plutôt des maisons, ou … Plusieurs, ça dépend. Les auberges, c'est ce qui est le plus fréquent. Les projets touristiques aussi sont fréquents. Les maisons également, j'en ai fait trois ou quatre. Elles y sont toujours, là-bas. Les auberges sont des projets fréquents. Parce que les gens se tournent vers les choses traditionnelles.

 

Qu'est-ce que ça évoque, pour toi, la terre ? Lorsqu'on parle de construction en terre, quels sont les sentiments et les souvenirs que ça t'évoque ?

 

C'est là où j'ai été éduqué. J'ai été éduqué dans une maison en terre. Comme tu le sais, lorsqu'on grandit dans un contexte de maison en terre, On développe un certain attachement pour cela. On ne peut pas s'en délaisser. Ça coule dans les veines. On ne peut pas. C'est ça mon ressenti. Ça a été mon départ. Nous avons habité dans des maisons en terre, nous y sommes nés, nous y avons grandi, et nous y sommes toujours jusqu'à aujourd'hui. Nous n'avons pas pu nous en détacher. Selon toi, est-ce qu'il y a … Il y a beaucoup de gens qui voient la construction en terre comme un retour en arrière. "C'est de l'ancien", "il faut aller de l'avant", … Selon toi, est-ce qu'il y a un avenir pour la construction en terre ? La construction en terre en elle-même constitue un avenir. Je peux te le dire. Quant à ceux qui disent que c'est un retour en arrière … Tu auras beau inventer beaucoup de choses, tu finiras par revenir à l'origine. Voilà tout.

 

Est-ce que la construction en terre a sa place dans les villes ?

 

En ville ...Car on voit beaucoup de projets dans la campagne … Dans la ville, si tu trouves un "Riad", tu peux. Dernièrement, ils ont en fait, des projets comme ça, dans les villes anciennes. Dans les villes anciennes, par contre. Sinon, dans une nouvelle ville qui vient d'être construite, ... Je ne pense pas. Mais dernièrement, chacun d'entre nous y réfléchit. Moi le premier. Chacun réfléchit à se faire une maison en terre. Car une maison en terre et une en ciment, ce n'est pas pareil. La maison en terre, pendant l'hiver est confortablement chaude, comme si tu avais un climatiseur. (Je pense qu'il voulait dire chauffage) Alors qu'en été, c'est l'inverse, quand tu sors dehors, le soleil tape très fort, mais l'intérieur est frais. Comme l'endroit où nous sommes actuellement. On remarque souvent un phénomène aujourd'hui, c'est que les jeunes qui vivent dans des villages qui ont ces traditions constructives, ils ne veulent pas apprendre ces techniques traditionnelles, ils préfèrent s'en aller ailleurs. Il n'y pas une transmission. Ça ne se transmet plus depuis les anciens jusqu'aux jeunes. Est-ce que toi tu aurais un ...

 

Selon toi, comment on pourrait encourager ces jeunes, pour qu'ils poursuivent dans ces pratiques-là ?

 

Je te dirais que ... Dans ces pratiques, il n'y a plus assez de … Les gens qui s'y connaissent vraiment, il n'y en a plus beaucoup. Très peu. Il n'y a pas non plus d'encadrement, pour qu'on oriente quelques jeunes et qu'on les encourage à poursuivre ce type de travail. Il y a un très faible nombre de gens qui maîtrisent cela. Moi-même, je cherche à recruter des gens. C'est très rare de trouver des artisans qui maîtrisent. Et comme je te l'ai dit, il n'y a pas d'encadrement (orientation). Il n'y a pas quelqu'un qui va orienter les gens, leur expliquer que c'est bien, que c'est durable. Voilà tout.

 

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez, lorsque vous voulez construire de cette manière ?

 

Les difficultés … Si on examine un peu ... si on revient à ce type de travail … Le travail de la terre est entièrement fait de difficultés. Parce que ça demande … Construire une maison en ciment, ce n'est pas pareil qu'une maison en terre. Parce que dans la terre, il y a un peu de travail lourd, laborieux. Admettons que tu n'aies pas une certaine patience, de la conviction, une intelligence. Tu ne vas pas le faire. Tu n'arriveras pas au bout. Parce que ce travail est lourd. Le travail de la terre, les palmiers, ... Il y a du poids à porter … Ne peut travailler que celui qui a une force physique, et qui est en bonne santé. Oui mais en même temps, aujourd'hui contrairement au passé, il y a des machines, certains outils qui facilitent un peu le travail. 

 

Est-ce que vous les utilisez un peu, pour alléger les charges à porter ?

 

Honnêtement, moi personnellement je ne les utilise pas. Moi je travaille seulement de façon traditionnelle, c'est là où je me retrouve. Par exemple, quand je façonne une planche de bois avec une pioche, je lui donne précisément la forme que je veux. Alors qu'avec une scie électrique, ça donne un aspect qui n'est pas naturel. C'est une machine, après tout. Ce n'est pas comme le travail d'auparavant. Car les gens auparavant n'avaient pas de scies électriques ni rien. Ils ne travaillaient qu'avec les outils anciens. Les petites haches, etc. Et puis, je voudrais parler un peu de ce projet, et de l'architecte.

 

Peux-tu nous présenter un peu ce projet ? Et le travail que vous menez ici ?

 

Le chantier dans lequel on se trouve actuellement, est un projet de complexe touristique. C'était un ancien "Souk" de Taghjijt. Ça a été construit à l'époque du protectorat. Alors il y a eu une réflexion pour transformer un peu le lieu afin de revaloriser un peu la ville. Ceci est grâce à l'architecte Mme Salima Naji. C'est elle qui travaille sur ce projet. C'est un projet qui utilise la terre, la chaux, et l'artisanat traditionnel, comme le travail du bois de palmier. Comme vous le voyez ici. On l'appelle "Jrid" en arabe. Voilà tout. Tout à l'heure, Mme Salima Naji nous a dit que tu n'étais pas payé depuis un certain temps.

 

Donc, quelle est la conclusion que tu veux nous dire ?

 

En conclusion je voudrais présenter un message de condoléances à Hassan Jirar, Dieu ait son âme et le bénisse. Je voudrais aussi présenter des remerciements à notre architecte Mme Salima Naji, que Dieu prolonge sa vie, ainsi qu'à tous les ouvriers qui ont travaillé ici, et les gens de l'entreprise, les familles Jirar et Demnati. Salutations.

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