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Danièle Larcena

Danièle Larcena a été géographe à L’École des hautes études en sciences sociales originaire de Savoie, elle découvre en 1979 le parc naturel du Luberon et elle participe activement à la création en 1983, de l’association Pierre Sèche en Vaucluse pour développer la connaissance, la restauration et l’information sur les milieux en pierre sèche.

1 - Bonjour, est-ce que vous pouvez vous présenter ?

 

Bonjour je suis Danièle Larcena, 81 ans, je suis géographe, j’ai fait toute une carrière de recherche à l’EHESS (1), et maintenant je suis retraitée et je travaille beaucoup sur un thème qui me passionne, la pierre sèche. 

 

2 - Est-ce que vous pouvez me parler de l'origine historique des constructions en pierre sèche sur le territoire de Provence ?

 

La construction en pierre sèche est très ancienne, on la retrouve particulièrement sur le territoire de Provence à partir du Néolithique (2). Nous sommes dans une région où il y a eu beaucoup d'installations au Paléolithique. Les premiers éléments de la pierre sèche ont débuté lorsque les Hommes habitaient les grottes et ont commencé à empiler les pierres les unes sur les autres pour se protéger de la nature. Cette activité les a amené à penser l’organisation des pierres entre elles afin qu’elles tiennent. 

1.  EHESS : École des Hautes Études en Sciences Sociales.

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Figure 1. Frise chronologique Paléolithique et Néolithique.

Lorsqu’on s’intéresse à l’histoire de la construction en pierre sèche, il y a plusieurs périodes importantes. Tout d’abord, la période romaine, lorsque les Romains se sont installés dans les plaines, ensuite au XIIème siècle en Catalogne et en Italie, les villages se sont construits sur des éperons rocheux, et les habitants ont commencé à construire leur territoire agraire sur les coteaux avec des murets de pierre sèche. En termes de patrimoine bâti, nous avons autant de terrasses construites au XIIème siècle qu'au XIXème siècle. 

 

Au cours du XIVème siècle, lors de la grande période de la Peste Noire (3), une grande partie de ce patrimoine de pierre sèche a été abandonnée. Ensuite les ruines ont été partiellement reconstruites, mais les nouveaux épisodes de Peste venues de Marseille ont fait régresser le territoire de Provence. 

 

A partir de la deuxième moitié du XVIIIème, l’Europe vit une forte expansion économique et démographique. Toutes les collines ont été construites ou reconstruites parfois jusqu’en haut des crêtes, ce qui a pu engendrer une agriculture à risque, les effondrements étaient monnaie courante. 


A partir du XIXème, la Provence vit un exode rural très fort, et la construction des canaux dans la Plaine de la Durance (4), poussent les habitants à cultiver dans les plaines. Petit-à-petit, les agriculteurs délaissent les collines et l’agriculture en terrasse.

3. La Grande Peste noire, (1346 - 1353), est une pandémie de peste (principalement bubonique) qui a sévi au milieu du XIVème siècle. 

4. Le canal de Craponne, canal situé dans le département des Bouches-du-Rhône, relie la Durance au Rhône. L'objet initial du canal était d'amener de l'eau à Salon-de-Provence et à la plaine de la Crau. Il a été ensuite prolongé pour aller jusqu'à Arles. Un embranchement le fait communiquer avec l'étang de Berre en formant une île au-dessous de Salon-de-Provence. Il doit son nom à l'ingénieur Adam de Craponne qui l'a conçu et a commencé sa réalisation. 

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Au cours de cette histoire, nous avons donc eu une succession de périodes de construction et de périodes d’abandon, si bien que la dernière couche de construction en pierre sèche date du la moitié du XVIIIème siècle, elle n’est quoique qu’on puisse l’imaginer, pas plus ancienne. Les discours qui racontent que nos cabanes, dans le Luberon, datent de l’époque gallo-romaine n’ont aucune valeur scientifique.

 

3 - Lorsqu’on pense aux constructions en pierre sèche, on pense d’abord à l’agriculture, pouvez-vous nous parler du lien qui existe entre les deux ?

 

Il faut voir que les constructions en pierre sèche, les terrasses ou les bâtiments, sont des constructions éminemment agricoles que ce soit pour la culture ou pour l'élevage. Prenons l’exemple des monts de Vaucluse (5), au niveau géologique vous avez un massif karstique (6) du secondaire, c'est-à-dire des calcaires très durs que l’eau dissout. Il n’y a pas d’eaux de surfaces, l’eau s’enfonce directement dans le sous-sol, ce qui engendre les rivières qui arrivent au gouffre de Fontaines-de-Vaucluse (7).

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La conséquence de cette géologie est qu’on ne peut pas cultiver sur le plateau car il n’y a pas de sol propice à l’agriculture, pas d’eau de surface. Le plateau est donc devenu un terrain pastoral. Par contre au Tertiaire (8), vous avez l’apparition de calcaires beaucoup plus tendres, qu’on appelle les molasses (9) qui se sont déposés sur toutes les pentes et ont permis, grâce à leur caractère plus sableux, l’avènement d’une agriculture en terrasse avec l’aménagement de murs de soutènement en pierre sèche. 

Figure 1. Le rocher de Saignon, éperon rocheux. Septembre 2022. © Atelier Géminé.

6. Le karst est une structure géomorphologique résultant de l'érosion hydrochimique et hydraulique de toutes roches solubles, principalement de roches carbonatées dont essentiellement des calcaires. La karstification désigne ces processus (physiques et chimiques) mis en jeu pour créer les formes karstiques, comme les phénomènes d'infiltration et circulation lentes des eaux à la faveur des joints de stratification, des fissures et des diaclases, et de dissolution des roches karstiques qui jouent un rôle déterminant dans la genèse de ces formes et paysages caractéristiques.

7. La Fontaine de Vaucluse. Avec un écoulement total moyen de 630 millions de m3 par an, cette source est la première de France, et l'une des plus importantes au niveau mondial, par son volume d'eau écoulé. Elle résulte de l'émergence d'un immense réseau souterrain. [...] Les eaux qui bondissent à Fontaine de Vaucluse proviennent de l'infiltration des eaux de pluie et de la fonte des neiges du sud du Mont Ventoux, des Monts de Vaucluse et de la Montagne de Lure qui représentent un "impluvium" de 1240 km² et dont l'unique issue demeure la Fontaine.

8. Le Tertiaire ou l'ère tertiaire est l'ancien nom d'une ère géologique s'étendant de −66 Ma à −2,58 Ma, soit équivalente au Paléogène et au Néogène actuels.

9. Une molasse désigne un ensemble de roches sédimentaires, essentiellement détritiques. Grès tendre, mêlé d'argile, de quartz.

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Donc vous avez deux domaines : le domaine pastoral sur le plateau et le domaine agricole sur les pentes. Pour contrôler les pentes, l’Homme a dû réaliser des aménagements pour pallier les effondrements. Il faut voir que dans les pays méditerranéens, soit il y a trop d’eau pendant très peu de temps, soit il n’y a pas assez d’eau pendant très longtemps, donc l’eau est très violente, on ne peut pas construire sur des pentes où l'érosion est très importante.
 

En pays méditerranéen, vous avez généralement toutes les terres du sommet qui se retrouvent en bas par un phénomène d'érosion. Pour pouvoir cultiver, il a fallu fabriquer des terrasses, pour casser l’eau et créer des plans de culture. On a donc construit d'abord des murs de soutènement avec les pierres issues de l'épierrement (10), puis on a construit des clapiers (11) ou des “cabanes” (12), c’est-à-dire des petits abris temporaires. Généralement, ce qu’on appelle des “bories”, qui n’est pas le terme vernaculaire, ce sont des cabanes des champs, des abris pour les outils contre la pluie et qui sont situés pas très loin du village. 


Par contre dès qu’on monte sur le plateau on avait des culture temporaires, vous savez dans le système méditerranéen on a une agriculture bisannuelle (13), c’est-à-dire qu’une année de culture de céréales succède à une année de jachère parce que les terres sont très pauvres, et cette année correspond au parcours du troupeau. Sur le plateau, on avait besoin de cabanes plus importantes d’abord pour la période de la récolte où l’on restait une quinzaine de jours avec des aires de battage (14) et puis après pour la vie des bergers. Plus haut sur le plateau, on peut trouver des grandes cabanes qui peuvent faire 2 pièces ou 3 pièces qui sont importantes avec des enclos. Ce sont des habitats temporaires, jamais permanents, soit pour la récolte, soit pour le confort du berger.

Figure 3. Mur de soutènement, Goult. Septembre 2022. © Atelier Géminé.

10. Épierrement: Débarrasser un terrain des pierres qui en rendent la culture difficile.

11. Un clapier (ou pierrier) est un amas de pierres regroupées à dessein par l'Homme pour dégager un champ des roches les plus massives qui nuisent à ses qualités agricoles. 

12. Cabane en pierre sèche, ou “borie”: Les bories sont des cabanes construites avec des pierres sèches, simplement posées pour que l'édifice forme une nef. Les pierres sont coincées entre elles et l'ensemble ne tombe pas : c'est la technique de construction « Arc ou Voûte plein cintre ».

13. Une plante bisannuelle est une plante qui accomplit son cycle de vie en deux années.

14. De nombreuses aires existaient dans le village ou les hameaux. Ces surfaces planes, dallées de pierres, permettaient le battage ou dépiquage. Cette opération avait pour but de séparer le grain des épis.

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On trouve aussi dans ces pays de molasses ou de canyons (15) des “abris sous-roches”, que l’on nomme des “baumes” (16) et qui ont été creusés par l'érosion. Depuis le Néolithique, les humains ont habité ces baumes à toutes les époques et à tous les âges, on a construit simplement un mur de refend pour fermer l'abri. On a fait des refuges, soit de l’habitat soit des bergeries car on avait de grandes drailles (17) à proximité, qui amenaient les troupeaux de la plaine vers le plateau. Tout du long de ces drailles, vous avez des grandes bergeries troglodytes construites totalement en pierre sèche. 


Enfin sur le plateau vous trouvez ce qu’on appelle les aiguiers (18). Comme il n’y a pas d’eau de surface, il fallait recueillir toutes les eaux de pluie, donc dès qu’on avait un grand impluvium en pierre on le taillait avec des larmiers, c'est-à-dire des rainures taillées dans la roche mère qui canalisaient l’eau de pluie vers un grand bassin. Ce bassin était généralement couvert de pierre sèche pour éviter l’évaporation et servait pour l’abreuvement des troupeaux.

Figure 4. Baume, Vallon de la Tapy. Septembre 2022. © Atelier Géminé.

15. Gorge étroite et profonde creusée par un cours d’eau. 

16. Baume (n. f.) mot occitan, tiré du gaulois balma, grotte ; en anglais balm : Synonyme d’abri-sous-roche. On rencontre, en français et selon les régions, une forme dérivée, balme.

17. Draille, carraire ou autres termes francisés issus des différents dialectes occitans sont des mots employés par les éleveurs de bétail des montagnes du midi de la France pour désigner le chemin de transhumance. 

18. Un aiguier, en Provence, est une citerne creusée dans la roche et voûtée de pierres, servant à recueillir les eaux de ruissellement. 

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Figure 5. Draille près de Goult. Luberon, Septembre 2022. © Atelier Géminé.

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Figure 6. Borie, Plateau des Claparèdes, Luberon, Septembre 2022. © Atelier Géminé.

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4 - Que signifie le terme "pastoralisme" ?

 

Vous avez des grands lieux de pastoralisme qui accueillaient des transhumances qui venaient des plaines de la Provence et qui montaient dans la Haute-Provence (19) en particulier concernant la pierre sèche dans la Montagne de Lure (20). Des bergeries en pierre sèche magnifiques accueillaient des transhumances avec des gros troupeaux. Sur les monts de Vaucluse, dans le Luberon c’était plutôt les troupeaux originaires des villages qui sous l’ordre d’un berger montaient pour rester tout l’été sur les estives en altitude. 

 

Le “pastoralisme” (21) est devenu un gros problème à la fin du XIXème, avec une dégradation importante due à l’agriculture d’abord, ensuite au sur-pâturage. Les troupeaux sur le plateau étaient trop nombreux et ont accéléré l’érosion. On a coupé tous les bois parce qu’on avait une grande utilisation de la forêt pour le charbon et pour les charpentes. Au XIXème siècle, il faut se dire qu’avec toutes ces activités cumulées les montagnes étaient entièrement dénudées. Maintenant vous voyez la forêt partout mais à l’époque de la silva (22), il n’y avait plus un arbre ce qui a engendré de nombreux problèmes… 

Figure 7. Aiguiers creusés dans la roche mère avec larmiers à Saint-Saturnin-Lès-Apts, Luberon. Août 2022. © Atelier Géminé.

19. Les Alpes-de-Haute-Provence, appelées Basses-Alpes jusqu'en 1970, sont un département français de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. 

20. La montagne de Lure est une montagne des monts du Vaucluse, située dans le département français des Alpes-de-Haute-Provence. Elle appartient à la même formation géologique que le plateau d'Albion, qu'elle jouxte, et le mont Ventoux.

21. Le pastoralisme est l'élevage extensif pratiqué sur des pâturages et des parcours, ainsi que la relation interdépendante entre les éleveurs, leurs troupeaux et les milieux exploités.

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5 - Pourquoi est-il nécessaire de faire un inventaire en pierre sèche aujourd'hui ?

 

Au niveau de la connaissance de la pierre sèche, certes on connaît les plus grands bâtiments remarquables, mais pour bien comprendre l’enjeu du patrimoine en pierre sèche, il faut appréhender tout un territoire, comprendre son organisation et son fonctionnement. On ne peut pas décrire un bâtiment en pierre sèche sans le recontextualiser dans son site, pour en comprendre l’usage qu’on en avait et les raisons de son édification.

 

C'est pour cela qu’avec l'association Pierre Sèche en Vaucluse, nous réalisons préalablement un repérage dans les communes, on inventorie très succinctement avec photos et géolocalisation tout ce qui concerne la pierre sèche. Après cette étape, nous essayons d’analyser l’histoire du site pour comprendre le fonctionnement de ce territoire agricole. Enfin, nous réalisons des pré-inventaires (23) exhaustifs avec les mesures en plans et en coupes. 

 

Aujourd’hui, pour protéger efficacement la pierre sèche, il faut l’introduire dans les PLUI (24) mais en tant qu'inventaire. S’il n’y a pas d'inventaire, vous ne pouvez rien protéger vraiment. Dans les PLUI, s’il y a un inventaire le document est opposable au tiers, si vous faites juste un arrêté municipal, cet arrêté n’est pas opposable. 

 

Les communes ont lancé des campagnes de protection des zones possédant de la pierre sèche, mais pas uniquement la pierre sèche, plus globalement la construction en pierre. C'est quand même très important parce qu'on a eu une grande période des années 1950 aux années 1980, de pillages des collines de tous les éléments en pierre sèche, en particulier les cabanes, de nombreux hameaux ont disparu. Parfois ces pillages ont touché des murs de soutènement, ce qui est plus problématique quant à la sécurité des sols. 

 

A cette période a sévit la mode du village de Gordes (25), avec les maisons en parement de pierre sèche et cela a fait un mal terrible parce que les maçons se sont fournis dans la colline en pierres déjà bien litées (26). Il a fallu protéger et lutter contre les carrières sauvages…Après un long combat maintenant ce patrimoine est reconnu, cela existe encore, mais c’est pour cela qu’il fallait vraiment protéger ce territoire. Le protéger également de l’urbanisation et de l’étalement urbain. 

Figure 8. Pastoralisme aujourd’hui, Plateau des Claparèdes, Luberon, Septembre 2022. © Atelier Géminé.

23. Voir, méthode d’inventaire:

Méthode d'inventaire des cabanes en pierre sèche

24. PLUI : Plan Local d’urbanisme intercommunal

25. Gordes est une commune du Vaucluse, qui a inscrit dans son POS, puis PLU, l’obligation de pierre apparente, dans la construction. Partie d’une bonne intention, cette obligation a engendré un phénomène négatif de collage de pierre avec la recherche d’un pastiche d'architecture en pierre sèche. 

26. Disposer par lits superposés. Liter des harengs. (Dict. xix et xxèmes.).

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Nous avons une base de données, que nous avons réalisé en collaboration avec l’APARE (27), maintenant OPUS (28). Nous avons réalisé une base commune, ils se sont occupés des cabanes du PNR du Luberon (29) et nous nous sommes occupés de cinq communes des Monts de Vaucluse. Nous travaillons actuellement sur le Parc Naturel Régional du mont Ventoux, nous avons remarqué que les habitants des villages connaissaient déjà énormément de choses, donc on a déjà repéré avec eux et puis après, on a sillonné à peu près tout dans les bois, on a fait les chemins des sangliers…Tout est envahi par la forêt et les broussailles en majorité. 

 

Pour mener cet inventaire, nous avons fait appel à des chantiers de jeunes. En particulier des étudiants architectes formés en école d’architecture, qui venaient en équipe les étés pour réaliser les inventaires. Ce chantier s’est étalé sur plusieurs années. 

 

6 - Quels sont les avantages écologiques de cette architecture de pierre sèche et pourquoi est-il pertinent de l’inscrire dans une vision locale du territoire ?

 

C’est un avantage qui est reconnu maintenant, particulièrement la qualité de préservation de la biodiversité. 

Thermiquement, les murs de pierre sèche ont une forte inertie, donc quand l’air est très chaud, le mur se réchauffe lentement, lorsqu’il fait froid, le mur se refroidit lentement, cela crée un climat tempéré, qui favorise la vie. 

 

Parfois on a l’impression que ce n’est que de la pierre, mais surtout dans les molasses qui se délitent, vous avez peu à peu toute une évolution par laquelle le mur neuf, crée un milieu propice à la biodiversité : la végétation et beaucoup d’insectes. Ces murs créent une espèce de microcosme et actuellement on sait que la biodiversité il faut plutôt la protéger puisqu’elle se dégrade énormément. 

 

La trame verte et bleue (TVB) (30) porte deux notions : en premier lieu le concept de "corridor de biodiversité" qui permet aux éléments végétaux et animaux de circuler, en second lieu le concept de "réservoir de biodiversité".

Les versants aménagés en pierre sèche forment des chemins qui mènent des plaines à la montagne, qu'on appelait des "drailles" et qui forment "la trame lithique". Beaucoup de communes sont intéressées pour protéger ces chemins bordés de pierre sèche, qu’on nomme : trame lithique (31).

7 - Que représente de manière plus personnelle la pierre sèche pour vous ?

 

Pour moi cela évoque au départ rien du tout, parce que je suis arrivée en 1979 et je suis Savoyarde et la pierre sèche, je ne connaissais pas du tout…Avec quelques-uns on a vu qu’il y avait beaucoup de dégradations et donc a commencé à trois. L’APARE, qui travaillait déjà sur la pierre sèche, nous a beaucoup formé, et on a découvert ce monde que j’ignorais totalement. 

 

Ce qui m’a fasciné d’abord c’est de voir ces falaises et de voir ce lien entre la roche “originaire” donnée par la nature et la roche “travaillée” par l’homme. Il y a un lien tellement subtile entre les deux, cela m’a frappé. On ne peux pas travailler sur la pierre sèche, sans travailler sur le substrat, c’est-à-dire la géologie qui est en dessous parce que le lien est évident, la pierre sèche ne peut exister que si dessous il y a cette roche mère. 

27. APARE: Association pour la Participation et l'Action Régionale. Nouvellement OPUS.

28. Opus (Ex Union APARE-CME) organise depuis plus de trente ans des actions de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine bâti et naturel en Provence et dans le bassin méditerranéen.

29. Au cœur de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Parc naturel régional du Luberon est un espace vivant et préservé qui s’étend sur 185 000 hectares sur 77 communes: 51 communes en Vaucluse et 26 communes dans les Alpes-de-Haute-Provence. L’épine dorsale de ce territoire est le massif du Luberon. Il s’étire d’ouest en est sur 75 km entre Cavaillon et Forcalquier et culmine à 1 125 m au sommet du Mourre Nègre.

30. TVB: La trame verte et bleue est une démarche qui vise à maintenir et à reconstituer un réseau d’échanges pour que les espèces animales et végétales puissent, comme l’homme, circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer… et assurer ainsi leur cycle de vie. La trame verte et bleue porte l’ambition d’inscrire la préservation de la biodiversité dans les décisions d’aménagement du territoire, contribuant à l’amélioration du cadre de vie et à l’attractivité résidentielle et touristique. 

31. La trame lithique, référence à la trame verte et bleue, est une trame refuge pour la biodiversité sur le territoire : vipère péliade, pie grièche, lézard vivipare, petits mustélidés….

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Cela faisait un premier lien, que je trouvais extraordinaire et puis ensuite, il y a la notion de paysage avec ces lignes horizontales qui structurent le territoire, avec les haies, les clôtures, et le parcellaire également. Je suis très sensible à ce qui concerne l'organisation géographique de l'espace et je trouvais ces “restanques", vraiment très belles. 

 

La construction en pierre sèche, c'est une construction qui est aussi très belle. Lorsque vous regardez une voûte à l’intérieur d’une cabane, vous avez une ligne d’une perfection totale, c’est une harmonie qui est très belle. Je suis sensible à cette architecture vernaculaire. 

 

Enfin, cette activité devient une passion, plus on travaille, plus on connaît des gens connaisseurs qui nous font découvrir des lieux extraordinaires. Voilà plus de quarante ans que je travaille sur la pierre sèche, et je découvre toujours des choses ici et je découvrirais toujours.

 

8 - La pierre sèche jouit-t-elle d’une forme d’engouement?

 

La pierre sèche devient un enjeu important parce que d’abord c’est une construction sans eau, ni mortier, ni béton. On a le matériau sur place, au niveau construction écologique c’est superbe cela draine l’eau et possède tous les avantages, on n’est pas obligés de déconstruire pour rapiécer l’édifice. 

 

Ensuite, la pierre sèche possède sa qualité de bio-diversité. Les murs de restanque permettent de limiter la violence des intempéries climatiques en drainant l’eau sur les pentes, et permettent de limiter l’érosion des sols. 

 

Donc on voit partout une grande sensibilisation des communes et même des communautés pour avoir une politique claire par rapport à leur territoire de la pierre sèche. Le restaurer, le valoriser. Concernant la notion de patrimoine avec le contexte touristique, actuellement on a une dynamique très importante par rapport à toutes ces qualités. 

 

Le mot “engouement”, je ne sais pas trop ce que cela signifie, mais en tout cas il y a un intérêt des communes en particulier sur le Parc Naturel Régional du Ventoux. Des communes font énormément de choses ce qui n'existaient pas il y a une trentaine d’années ou personne ne se préoccupait de la pierre sèche parce que c’était du bâti rural, peu valorisé, et dans des lieux abandonnés.

 

Maintenant, il y a aussi une variable très importante, les instances prônent des programmes alimentaires territoriaux (PAT) (32). On veut que chaque région puisse subvenir à son alimentation d'une façon très importante et les PNR comme le Luberon ou le Ventoux ont leur programme, ce qui veut dire qu’on encourage une remise en culture de l’ensemble des terrasses pour en refaire des lieux de production alimentaire. Ceci est une opportunité qui donne un avenir certain pour la pierre sèche. 

Figure 13. Ligne d’horizon, entre la roche mère et les ouvrages en pierre sèche travaillés par l’Homme. Septembre 2022. © Atelier Géminé.

32. PAT: Les projets alimentaires territoriaux (PAT) ont pour objectif de relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires en soutenant l'installation d'agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines.

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